Novembre 2005. Ce n’est pas une révélation: nous assistons actuellement au retour du sexisme, sous une forme plus insidieuse que le sexisme autoritaire des siècles précédents, où les machistes prenaient moins de gants «culturels» ou pseudo-scientifiques. Un exemple particulièrement peu subtil de ce retour en arrière nous arrive par l’actuelle campagne de publicité gouvernementale en faveur de la sécurité informatique : visible à l’adresse http://www.belgium.be/pecephobie/index.html, elle a été lancée en cette fin d’octobre 2005 sous l’impulsion et la responsabilité de notre Gouvernement fédéral, qui d’ailleurs héberge la campagne sur son site officiel (http://www.belgium.be)
L’on y voit une femme («Ginette») en robe de vichy rose et petit tablier blanc nous montrant «sa» cuisine modèle: «son» four, «son» lave-vaisselle, «sa» machine à laver… et «son» film, où elle se présente en caricature vivante du stéréotype de femme-hystérique-inculte-et-sans-cervelle, prise de panique à la seule vue d’un ordinateur portable: elle en laisse tomber son plateau, attaque l’appareil au fly-tox et au balai… avant de l’enfermer dans «son» four pour l’empêcher de nuire à sa petite famille. On supposera que cela se veut humoristique. Cela fait penser aux mauvaises blagues que certains Français commettent sur les Belges…
Le dernier week-end d’octobre, l’action s’est prolongée en public: on a pu voir Ginette dans sa vitrine en véritable femme-objet dans une reproduction de «sa» cuisine-modèle (voir photo), au milieu de la rue Neuve à Bruxelles. La même campagne s’est également étalée sur nos écrans de télévision…
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Est-il amusant de voir représenter la femme dans «sa» cuisine et «naturellement» rétive aux progrès technologiques, dont l’informatique – qu’en est-il alors de toutes les secrétaires de nos bureaux? Ce thème n’est en fait qu’une réactualisation du thème sexiste pourtant battu en brèche par toutes les statistiques des assurances-auto: celui de la femme au volant. Même si elle s’avère statistiquement meilleure conductrice que ses collègues masculins, elle continue à faire l’objet des moqueries sexistes… |
La publicité nous habitue à ce genre de stéréotype, tant et si bien qu’en l’occurrence, c’est notre Ministre de l’Emploi et de l’Informatisation, Peter Vanvelthoven, qui a chaussé les grands sabots du sexisme ordinaire en permettant ce dérapage, qui est donc non seulement diffusé à très large échelle (le pays entier !), mais surtout : avec l’argent de nos impôts, sous le patronage de notre gouvernement fédéral… A-t-on oublié de consulter Christian Dupont, Membre du même Gouvernement et Ministre de la Fonction publique, qui a l’Égalité des Chances parmi ses attributions?
Cette utilisation des stéréotypes sexistes (même au prétexte de «second degré», car on n’est jamais sûr que cela soit «compris» ainsi, bien au contraire…) est inadmissible dans notre société qui se dit avancée, tout comme est inadmissible tout propos raciste.
Par ailleurs, les études à ce sujet concordent: à diplôme égal, les femmes n’accèdent pas aux mêmes postes que les hommes; à poste égal, elles gagnent rarement le même salaire que leurs collègues masculins. Et ce n’est certainement pas l’utilisation de l’image archaïque de la femme dans «sa» cuisine qui arrangera les choses!
Le Groupement belge de la Porte Ouverte pour l’émancipation économique de la travailleuse réclame:
- le retrait intégral et immédiat de cette malheureuse publicité
- son remplacement par un texte exprimant les excuses des Autorités fédérales auprès de la moitié de la population belge qui a ainsi été injuriée
- et l’engagement ferme des mêmes Autorités à mettre en chantier un texte de loi punissant toutes formes de sexisme, notamment dans les secteurs d’influence que sont la publicité, les livres et jeux destinés à la Jeunesse et les médias (télévision, radio, presse).
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