L’activité du groupement…

…intéresse les membres et les sympathisant(e)s mais contrairement aux nouvelles générales que nous commentons, on n’en trouve trace que dans notre publication. C’est pourquoi, avec quelque retard, dont nous nous excusons, nous revenons sur ce qui a été communiqué verbalement aux membres présents à l’assemblée générale du 26 février 2004.

Le Groupement a fait de nombreuses démarches soit sur des problèmes d’actualité soit sur des questions à long terme. Les sujets suivants ont fait l’objet de nos démarches:

  • Le plan social d’action contre la violence à l’égard des femmes a retenu notre attention. Cette violence peut être un obstacle à leur activité professionnelle alors que, au contraire l’activité professionnelle est une des garanties contre la violence;
  • Le groupement a échangé diverses correspondances avec les autorités politiques et le lobby européen des femmes (LEF) pour demander que notre pays prenne l’initiative d’une action coordonnée à l’échelle européenne pour faire retirer les réserves encore faites par divers Etats parties à la convention des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (en abrégé: CEDAW);
  • Démarche auprès de la conférence nationale de l’emploi concernant la nécessité de promouvoir davantage l’emploi des femmes;
  • Démarche auprès de l’Union européenne pour recevoir le texte d’un projet de directive relatif à l’égalité hommes-femmes dans les domaines autres que l’emploi;
  • Lors de la formation du gouvernement fédéral: envoi d’un mémorandum au sujet du travail professionnel des femmes;
  • Appui aux démarches du lobby européen de femmes (LEF) concernant la nécessité d’insérer l’égalité des personnes des deux sexes comme valeur fondamentale dans le préambule et les articles pertinents du projet de constitution européenne.

Il n’est pas encore possible d’évaluer les conséquences positives de ces démarches mais le groupement a conscience d’avoir contribué à l’évolution des idées, en soutenant l’action d’autres associations et a aussi pris l’initiative d’une action d’envergure qui touche les femmes du monde entier.

Le prix Franqui

En juin 2004, le prix scientifique le plus prestigieux du pays a été décerné à une femme par un jury international. La lauréate, Madame Marie-Claire FOBLETS, née en 1959, docteur en anthropologie sociale et licenciée en droit et en philosophie, a fait une brillante carrière scientifique et a consacré ses travaux à la question de la condition de la communauté maghrébine de Belgique, elle fut aussi experte auprès du Sénat sur les questions de reconnaissance de la répudiation dans notre système juridique. C’est donc une femme engagée.

Soulignons que c’est la deuxième fois qu’une femme est lauréate du prix Francqui créé il y a une cinquantaine d’années.

Une nouvelle inquiétante

Sur la traite des êtres humains, Amnesty International rapporte que le Kosovo importe des femmes de différentes nationalités pour travailler dans la prostitution et que les membres de la communauté internationale qui travaillent au Kosovo constitue 20% de leur clientèle (brèves du LEF de mai 2004). Sans commentaire!

Éditorial

En cette fin de mois d’août, le monde du féminisme est en deuil. Adèle Hauwel, notre amie et Présidente honoraire nous a quittés, emportant avec elle une part importante de l’histoire du féminisme belge.

Femme d’une grande modestie, qui a toujours mis ses propres intérêts en veilleuse, Adèle a oeuvré toute sa vie à l’amélioration du sort des femmes, et des travailleuses en particulier, et n’a eu de cesse de dénoncer toute forme de sexisme.

Sa disparition représente une grande perte tant pour son entourage que pour le Groupement belge de la Porte Ouverte. Notre comité aura à coeur de pérenniser son oeuvre, ses idées et sa philosophie, comme le précisaient ses dernières volontés.

Cette circulaire est donc structurée comme un hommage à notre humble amie, à notre éditrice en chef, à notre présidente d’honneur et cheville ouvrière de la Porte Ouverte, à ce personnage central de l’histoire du féminisme belge. Elle se compose d’une copie de la nécrologie publiée par le comité du Groupement belge de la Porte Ouverte dans le journal «Le Soir» du 1er septembre (voir ci-dessus), de la reproduction de l’hommage à Adèle lu par Gisèle De Meur lors de ses obsèques ainsi que d’un bref compte rendu de ce moment solennel.

Le Comité de la Porte Ouverte

Allocution funèbre d’Adèle Hauwel

prononcée par Gisèle De Meur le 2 septembre 2004 à Uccle

Mesdames, Messieurs, cher-e-s ami-e-s

Je vais tout d’abord prononcer quelques mots au nom du Groupement Belge de la Porte Ouverte.

Le meilleur hommage que l’on puisse faire à une femme de la trempe d’Adèle Hauwel m’a semblé être de lui redonner une occasion de s’exprimer en public; voici donc une partie des propos d’Adèle, recueillis par Élodie lors de visites à l’Hôpital Molière:

«Le féminisme d’abord!», disait-elle. Je veux que sur ma notice nécrologique, ça apparaisse en aussi gros que mon nom!

C’est quoi le féminisme, Adèle?
C’est l’égalité de droits, de chances, et de devoirs entre les hommes et les femmes.
De l’âge de 0 à 10 ans, qu’est-ce que tu retiens de ton enfance, Adèle?
L’apprentissage de la lecture par mon grand-père maternel.
De 10 à 20 ans?
Pouvoir faire des études à l’université, mon adhésion à la Porte Ouverte.
De 20 à 30 ans?
De m’apercevoir que ce qui est censé protéger les femmes freine en fait leur progression professionnelle.
De 30 à 40 ans?
Les effets des interdictions professionnelles sur les femmes.
De 40 à 50 ans?
Que mai 68 a été déclenché par des hommes qui voulaient pouvoir aller violer les filles jusque dans les chambres de leur cité Universitaire.
De 50 à 60 ans?
L’action anti-«Miss Belgique», l’émergence de la contraception.
De 60 à 70 ans?
À la Porte Ouverte, les luttes contre l’inégalité des droits économiques et civils.
De 70 à 80 ans?
Le vote de la loi sur l’avortement, le retour du chômage et des horaires incomplets imposés essentiellement aux femmes.
Avant de partir, Adèle, un dernier message?
Contre le «retour de balancier du patriarcat», contre l’idée que tout est définitivement acquis: Vigilance! Vigilance! Vigilance!

Adèle Hauwel est née en 1920 dans une famille à l’esprit ouvert. Son père possède de grandes valises d’où sortent les échantillons de tissus qu’il vend, sa mère n’exerce pas d’activité rémunérée. Si cette famille est de culture catholique, les parents n’ont de cesse de mettre à disposition de leurs trois filles des revues, des livres pour les inciter à penser plus loin.

Ainsi, très jeune, Adèle se révèle assoiffée de lectures, elle se passionnera pour les récits d’Ella Maillart (expédition en Afghanistan), de Virginie Herriot (tour du monde en bateau) et bien d’autres.

À 15 ans, la lecture de «Fécondité» d’Émile Zola laisse Adèle scandalisée d’une telle utilisation du corps des femmes. Si elle est révoltée une fois de plus par les écrits d’un homme, fût-il célèbre, cette même année, elle est enthousiasmée par une femme: Louise De Craene-Van Duuren, fondatrice du groupement belge de la Porte Ouverte pour l’émancipation de la travailleuse. Elle la rencontre à une réunion publique où elle s’est rendue avec sa mère et sa soeur aînée Lucie qui participe à des cercles de réflexions et y introduira Adèle. Les années 30 sont les années noires de l’emploi pour les femmes, contraintes par des réglementations iniques de céder leurs emplois aux hommes.

Quelques années plus tard, Adèle hésite à la porte de l’Université entre philosophie et médecine. Elle opte finalement pour la médecine, qui lui semble laisser plus de libertés d’expression et d’action. Ces années d’Université lui permettent de s’épanouir, de développer sa personnalité.

En 1945, Adèle achève de se donner les conditions d’être elle-même: choisissant de ne pas «fonder une famille», elle milite plus que jamais à la Porte Ouverte et ouvre son cabinet de médecine dans le quartier «Ma Campagne». Avec Louise De Craene, Marcelle Renson, Stella Wolf, Jeanine Van Esch et tant d’autres, elle poursuit inlassablement le travail de documentation sur la situation des travailleuses du monde entier entrepris par la Porte Ouverte.

Dans son cabinet médical, Adèle oeuvre aussi pour l’émancipation féminine en proposant aux femmes le recours à la contraception et déjà à cette époque, à la contraception d’urgence dite «du lendemain». Lorsque Willy Peers occupe le devant de la scène judiciaire pour «avortement», elle préfère continuer son oeuvre dans l’ombre. Le militantisme féministe d’Adèle, comme le fut aussi sa résistance à l’oppression nazie, est fait de petites et de grandes actions quotidiennes; dans nombre de situations, sa voix, sa volonté et son courage font oublier sa petite taille à des hommes pourtant parfois bien décidés à en découdre.

En 1971, Adèle assiste à l’élection de «Miss Belgique»: Danielle, membre de la Porte Ouverte, a réussi à être préélectionnée malgré sa minorité et lorsqu’elle est élue «Miss Belgique», elle dénonce l’horreur patriarcale d’une telle cérémonie sous les encouragements de ses complices de la Porte Ouverte dans le public.

L’énergie, l’intelligence et les convictions d’Adèle en font une militante de choc, qui ne s’accorde aucun répit, et méprise les plaisirs, et les distractions; elle ira jusqu’à déclarer que la musique, c’est du temps perdu au détriment de la diffusion d’informations! Son temps libre est entièrement dédié à la cause des femmes et à la diffusion des idées féministes: Elle organisera le plus de débats possibles pour informer sans relâche les femmes, publiera sans faillir ses informations critiques dans le Bulletin de la Porte Ouverte et tentera d’enrôler dans le Groupement de nouvelles générations et ainsi continuer de progresser vers son objectif: l’émancipation de la travailleuse.


Adèle, j’ai encore quelques choses à vous dire…

C’est dur de se séparer d’un compagnon de route… 35 ans de coude à coude, de luttes, de coups de gueule, parfois même d’éclats de rire… 35 ans à deviser très sérieusement, sans jamais nous lasser, sur notre commune passion pour les chats… quel voyage…

Quand j’avais 20 ans et vous 50, vous aviez une petite auto qui roulait par pure fidélité à votre égard, toujours dans la mauvaise vitesse, en cahotant et elle nous conduisait, clandestines, la nuit, avec notre seau de colle à tapisserie, et nos affiches électorales. C’est la première fois que je vous ai entendu jurer comme un charretier… quand le seau s’est complètement déversé à nos pieds, dans l’auto, suite à un de vos légendaires coups de frein!

Quand j’en eus 50, et vous 80, nous avons davantage arpenté les allées des cimetières que les rues de Bruxelles by night… oeuvre de mémoire, pour que les femmes ne soient jamais plus les «oubliées de l’Histoire»… et chaque fois, avec ce désespoir malicieux qui vous accompagnait souvent, vous me disiez: «voilà! elle est hors d’atteinte: plus rien ni personne ne la fera souffrir», et nous plaisantions sur la vie, la mort, chacune toujours recommencée?

Adèle, à votre demande, je vous ai fait deux promesses en prévision de votre grand départ:

La première ne nous apportera pas de surprise.

Adèle, sur son lit d’hôpital, le 27 juillet 2004, m’a dicté son Testament spirituel; je vous le livre:

«Je veux et je souhaite:
Que le Groupement Belge de la Porte Ouverte demeure; qu’il soit géré dans le sens d’une continuation de ses objectifs initiaux et non d’une liquidation – et ce, même si peu de personnes peuvent encore s’en charger.»

Adèle m’a confié ces dernières volontés avec la mission de les divulguer après sa mort et de les mettre en oeuvre.

Elle a exprimé sa confiance que l’ensemble des membres de P.O., et en particulier son Comité, auront à coeur d’y aider en contribuant, chacun selon ses possibilités, à poursuivre les activités du Groupement.

La seconde est plus difficile à sortir… mais une promesse c’est sacré… alors, chers amis, excusez-moi du caractère incongru de ce que je vais prononcer.

Adèle avait un sens aigu de l’auto-dérision, quand elle s’exprimait devant des intimes. Debout devant la porte du 16 rue Américaine qu’elle était contrainte de quitter, quelques jours avant son hospitalisation, Adèle est déjà bien pâle, mais elle a l’oeil qui pétille encore et plaisante sur elle-même, sa lassitude et son désir d’en finir… Puis malicieusement, me regardant bien en face, elle conclut: «Je voudrais que l’on dise de moi, devant mon cercueil»:

(Voilà: «la vieille panthère est tombée de son cocotier»…)

C’est dit, Adèle.

Compte rendu des Obsèques

13H45: Crématorium d’Uccle: les proches d’Adèle se rassemblent autour des membres de sa famille.

14H00: L’assemblée (+/-70 personnes) prend place dans la grande salle du crématorium où repose Adèle.

14H10: Avec l’accord de la soeur d’Adèle, Marguerite, une partie du Comité de la Porte Ouverte organise discrètement les prises de parole en hommage à Adèle. Se succèdent:

  • Gisèle De Meur, Présidente du Groupement belge de la Porte Ouverte;
  • Reina Ascherman, vice-Présidente néerlandophone du Groupement, qui dit quelques mots en français et en néerlandais;
  • Anne-Marie Storrer, avocate auprès du Barreau de Bruxelles, ancienne Présidente de l’Association des Femmes Juristes et conseillère juridique du Groupement
  • Christiane Pouliart, membre du Groupement et Docteure en Médecine ayant pratiqué aux côtés d’Adèle
  • Olga Rémy, ancienne Présidente et membre du Groupement, qui lit un texte écrit par Annie De Wiest, membre du Groupement
  • Rita Mulier, co-fondatrice et ancienne Présidente du Vrouwen Overleg Komitee (VOK), qui prononce un éloge en néerlandais rédigé par Monika Triest, également ancienne Présidente du VOK
  • Thérèse Chonquerez, membre du Groupement et vieille amie d’Adèle

14h45: L’assemblée se lève et quitte la salle dans laquelle retentissent les notes du Boléro de Ravel.

15h00: Une partie de l’Assemblée se retrouve autour d’une collation et échangent souvenirs et photos d’Adèle.

Annonce

L’une des dernières actions d’Adèle avait été d’organiser une commémoration du rassemblement de décembre 1934.

Cette commémoration est sur le point de s’organiser et nous profitons de notre circulaire pour faire savoir que nous cherchons à retrouver les témoins – Adèle ayant été notre plus proche témoin jusqu’à présent – de ce rassemblement pour nous aider à développer le projet qui tenait à coeur à Adèle.

Merci d’avance pour votre aide.

Éditorial

En cette période de prix Nobel, nous devons sans doute nous réjouir de voir des femmes récompensées notamment dans deux des catégories les plus prestigieuses: la Littérature et la Paix (également en Médecine pour être complet). Cette cuvée est, certes, encourageante mais elle ne doit pas nous faire oublier que le nombre de femmes récompensées depuis la création des prix Nobel est dérisoire et que toutes les catégories scientifiques du Nobel 2004 ont été raflées par des hommes. Le pourquoi du comment nécessiterait certainement un long et lourd débat qui n’a pas sa place ici mais qui mériterait sans doute d’être organisé ? En bref, il y a du progrès mais, comme aurait dit Adèle Hauwel, restons vigilant-e-s.

Agenda

Réservez d’ores et déjà les dates suivantes dans vos agendas (voir détails pages suivantes):

  • 11 novembre 2004: Veillée Adèle Hauwel au 29 rue Blanche
  • 13 décembre 2004: Commémoration de décembre 1934 au Sénat

Commémoration de décembre 1934

En 1934, au vu de la crise économique du moment, un arrêté royal (n°40 du 8 décembre) avait autorisé le Ministre du travail de l’époque à déterminer le pourcentage d’emplois des femmes mariées ou non dans les diverses branches de l’industrie et du commerce en vue de les remplacer par des chômeurs BELGES de sexe masculin.

Refusant que ce soient les travailleuses qui paient le prix de la volonté de résorption du chômage et de la volonté d’obliger les hommes qui préféraient «traîner» dans leur foyer pendant que leur femme travaillait, à retrouver du travail, des associations féminines de toutes les tendances et la ligue des Droits de l’Homme ont – à l’instigation des responsables du GROUPEMENT BELGE DE LA PORTE OUVERTE, à savoir L. DE CRAENE VAN DUURE et G. CISELET – organisé un meeting de protestation.

Des femmes de tout âge, toutes classes sociales confondues, des hommes progressistes y participèrent en nombre (la grande salle de la Grande HARMONIE à BRUXELLES dû refuser du monde); Adèle Hauwel, notre présidente honoraire y était déjà. Nous organiserons cette commémoration à son initiative avec des prises de paroles, entre autres, d’historiennes qui connaissent bien l’histoire mouvementée du travail des femmes et sont capables de faire des comparaisons avec la situation actuelle.

Nous vous invitons donc à venir nous rejoindre dans les locaux du SÉNAT pour cet événement organisé en collaboration avec la Commission sénatoriale de l’égalité des chances.

En pratique:

  • Quoi? Un séminaire de commémoration de l’événement qui s’est produit le 21 décembre 34 (voir détails ci-dessus)
  • Quand? Le 13 décembre 2004, de 9h30 à 13h
  • Où? Dans les locaux du SÉNAT rue de la LOI à Bruxelles
  • Comment? Nous avons le plaisir de vous y inviter; nous devons impérativement fournir les noms et adresses des participant-e-s afin de vous envoyer une invitation mais surtout pour préparer les badges d’accès sans lesquels vous ne serez pas admis-e-s dans l’enceinte du SÉNAT. Nous devons absolument recevoir vos demandes d’invitation avant le 11 novembre soit:
    • en écrivant au nouveau siège social de la Porte Ouverte: Bd G. JACQUES, 61 à 1050 Bruxelles
    • par e-mail à l’adresse info@porteouverte.be
  • Programme: le programme du séminaire sera entièrement axé sur l’emploi des femmes au passé, présent et futur. Le programme détaillé sera joint à l’invitation.