De la différence à la minorisation

Dans notre numéro de septembre, nous avions présenté le livre sur la mixité de Corinne et Martine Chaponnière, qui insiste sur le fait que les avancées dans le droit des femmes s’étaient toujours faites à des moments où femmes et hommes avaient l’occasion de se côtoyer et communiquer: le mouvement des précieux, les salons littéraires et, très tardivement, l’enseignement… sans minimiser la stagnation actuelle dans l’érosion des différences, dans le milieu scolaire et du travail notamment. Un plaidoyer pour la mixité sur le chemin de l’égalité s’y combinait avec un regret de voir se perpétuer les résistances au progrès de l’émancipation féminine.

D’aucuns cherchent des raisons de ces résistances dans les différences biologiques entre hommes et femmes, témoins les insupportables best-sellers «Les hommes viennent de mars, les femmes de vénus»; «Pourquoi les hommes mentent», «pourquoi les femmes ne savent pas lire les cartes routières» dont le succès repose sur la consécration de préjugés et d’idées reçues confortables en empruntant le jargon – mais pas la méthode! – des sciences naturelles. Qui n’a pas entendu invoquer ainsi «l’instinct du chasseur», les hormones ou les différences de latéralisation du cerveau? pour défendre l’idée d’une disposition «naturelle» à assumer des rôles sociaux: la femme au nid, l’homme aux outils.

«Cerveau, sexe et pouvoir», de la neurobiologiste Catherine Vidal (Institut Pasteur) et de la journaliste Dorothée Benoit-Browaeys, recensent et analysent ces théories plus ou moins scientifiques et arrive le plus souvent à la conclusion quel ces théories sont souvent très mal étayées, les expériences mal conduites et les résultats soigneusement choisis ou exploités au delà de leur portée réelle.

Le cerveau étant un organe éminemment plastique, les quelques différences constatées ne sont dues, selon nos deux auteures, qu’à l’éducation, l’expérience et l’environnement, et elles ne subsistent pas lorsque les femmes et les hommes testés sont soumis au même entraînement. De plus, ces quelques différences que l’on note entre hommes et les femmes lors des rémanences magnétiques fonctionnelles sont bien plus faibles que celles qui existent entre une sportive et une musicienne, ou entre leurs équivalents masculins.

À l’époque du grand retour aux stéréotypes, ce livre combat les arguments démagogiques mobilisés par les néo-sexistes qui se retranchent derrières les «faits» d’une science approximative ou idéologique. Pour les auteures, derrières ces théories «se profilent toujours le spectre de voir utiliser la biologie pour justifier les inégalités entre les sexes et entre les groupes humains» et donc abandonner toute politique permettant les même chances pour chacun-e-s.

A lire: Catherine Vidal et Dorothée Benoit-Browaeys: Cerveau, Sexe et Pouvoir, Belin, 2005. Préfacé par l’anthropologue Maurice Godelier.

Et à relire: Corinne Chaponnière et Martine Chaponnière: La mixité des hommes et des femmes, infolio, 2006.

À assister: dans le cadre du séminaire «Penser la sciences», Madame Catherine Vidal sera présente à l’Université Libre de Bruxelles le jeudi 8 mars 2007, de 16 à 18h au bâtiment H, H1301 (Campus du Solbosch): «Le sexe du cerveau: entre science et idéologie ».

Bookmarquez le permalien.

Les commentaires sont clos.