EMPLOI DES FEMMES

Tout le monde semble d’accord pour considérer que l’emploi au sens large, à savoir l’exercice d’une profession rémunératrice, est un élément essentiel de la vie économique et de l’émancipation d’un individu à l’égard du groupe social de base auquel il appartient.

On parle de la création de 200.000 emplois au cours de la prochaine législature. Il importe que les possibilités d’emploi pour les femmes soient étendues. En effet, dans notre pays, on constate que seulement environ 50% des femmes en âge de travailler ont une activité rémunératrice contre environ 70% des hommes de la même catégorie. On sait aussi que l’éventail des emplois créés pour les femmes est plus étroit que celui des emplois destinés aux hommes. Enfin, on sait que les emplois précaires et atypiques ou à temps partiel sont le lot des femmes.

Cette situation doit changer.

Il est essentiel qu’aucune activité , aucun emploi, ne soit interdit aux femmes. Il importe aussi que des «modèles» de réussite soient présentés aux travailleuses, même dans des domaines non professionnels, dans des performances audacieuses et dans la réussite d’activités diverses.

Il n’est pas indifférent qu’une ou plusieurs femmes fasse(nt) partie d’une cordée escaladant les sommets himalayens ou fasse(ent) du triathlon. De même, il n’est pas indifférent que «le» deuxième cosmonaute de l’histoire ait été une femme : la russe Valentina Terescowa, voici 40 ans, le 16 juin 1963. La victoire de la navigatrice Karine Fauconnier en grand prix multicoques est aussi un exemple.

Les femmes doivent exercer toutes les activités , non pour «imiter les hommes» mais bien parce que ces activités existent.

Un autre exemple est celui de femmes qui appartiennent à un groupe particulier et veulent y jouer un rôle; on pense, par exemple, à la dynamique Monica, 54 ans, aveugle, seule femme participant pour la 3ème fois à une épreuve sportive en tandem, pour non-voyants et mal voyants.

Toutes ces considérations que nous livrons à vos réflexions de «vacances» nous amènent à citer le premier rapport global sur la discrimination au travail, établi par le Bureau International du Travail : «L’heure de l’égalité au travail» (Bureau International du travail, Genève, ISBM, 92-2-212871-0; mai 2003).

Ce rapport étudie toutes les formes de discrimination basées sur divers motifs et déclare ouvertement:

  • que la discrimination fondée sur le sexe/genre est la plus criante et la plus généraliséede toutes les discriminations;
  • que la discrimination de sexe/genre s’ajoute dans les groupes discriminés, aux autres discriminations.

On peut conclure que la discrimination fondée sur le sexe/genre est celle qui, dans le monde, affecte le plus grand nombre des personnes.

N’est-ce pas ce qu’affirment les féministes ?

UN AUTRE SUJET DE PRÉOCCUPATION

…est le maintien de la sécurité sociale et l’explosion du budget de la santé.

Dans la recension d’un ouvrage sur le sujet («Femmes et hommes dans la champ de la santé») et ailleurs, on publie avec complaisance des données sur la manière de pratiquer la médecine qui serait différente selon le sexe/genre des médecins. Cela devrait être comparé à la réalité et il reste à voir quelle est la «bonne» méthode.

Ce que nous voulons souligner c’est que l’argumentation est utilisée pour alimenter la dispute au sujet du numerus clausus dans les études de médecine; autrement dit ceci est encore un sujet où il s’agit d’utiliser les femmes à des fins extérieures à elles-mêmes.

FIN D’ANNÉE SCOLAIRE OU ACADÉMIQUE… DÉBUT D’ANNÉE SCOLAIRE.

La période actuelle de l’année est propice à la réflexion sur l’enseignement. Nous ne débattrons pas ici des innombrables opinions sur la réforme de l’enseignement. Les choix de l’orientation scolaire ou académique des personnes qui nous importent méritent réflexion et il faut que les choix faits par les intéressé(e)s (et leurs familles) ne reflètent pas consciemment ou non les préjugés ancrés qui règnent encore et dont le plus résistant est ce qu’on appelle classiquement «l’éducation des filles», sujet qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive depuis des siècles.

Il ne faut pas limiter inconsciemment ou non les choix des filles à des études qui les préparent«à une profession qui convient à leur sexe», à un métier d’aidant ou à des professions déjà encombrées. Un créneau sur lequel on insiste est la formation aux sciences exactes ou au métier d’ingénieur.

Mais, à ce propos, il y a lieu de formuler trois observations :

  • on se conforme aux préjugés en soulignant que le travail d’ingénieur convient maintenant aux femmes parce qu’il s’est transformé et peut être exercé dans les bureaux plutôt que sur les chantiers; mais on ne dit pas aux femmes que le passage des métiers techniques aux carrières commerciales et financières impliquent des avantages pécuniaires, ce propos est trop souvent réservé aux hommes,
  • on parle d’un mythique «tronc commun» des études de base en oubliant qu’actuellement le choix précoce d’une section scientifique forte semble être un atout décisif pour la suite des études et la carrière. Il faut parfois faire un choix entre l’acharnement au prix d’un redoublement de classe et le passage dans une section plus faible : à cause des préjugés de sexe/genre on fait plus volontiers redoubler un garçon tandis qu’on réoriente plus volontiers une fille vers une section plus faible;
  • les choix dans l’éducation doivent être très précoces et commencer avant l’âge scolaire, notamment lors de l’achat de jouets. Si le commerçant demande de quel sexe est l’enfant auquel le jouet est destiné, répondez :«cela n’a pas d’importance».

UNE PREMIÈRE ÉPHÉMÈRE : LES DEUX ÉLUES FINLANDAISES

C’était une première : un pays avait deux femmes élues au sommet : la présidente de la république de Finlande est une femme depuis mars 2000, Madame Tarja Halonen et, depuis avril 2003, une femme était la première ministre : Madame Anneli Jaatteenmaki. Mais, cela n’a pas duré parce que la première ministre a été amenée à démissionner en juin 2003.

Il est certain que cette situation était exceptionnelle et méritait d’être mentionnée; il ne faut pas oublier que sur le nombre approximatif de 200 États ou pays, l’immense majorité est dirigée par des hommes et que la mixité au sommet de la direction d’un état est l’exception. Rappelons cependant la paire formée par la reine d’Angleterre (souveraine héréditaire) et sa première ministre, lady Margaret Tatcher.

DEUX ANNIVERSAIRES

Il est possible que les mois d’été vous amènent à visiter des sites qui évoquent la vie de femmes d’autrefois ou de naguère. S’il en était ainsi, ne manquez pas de nous faire connaître des figures intéressantes. Mais sans même vous déplacer vous pouvez célébrer à votre manière deux femmes à l’occasion de l’anniversaire de leur naissance.

Le 8 juin 1903, l’écrivaine Marguerite YOURCENAR naissait à Bruxelles, ville qui lui consacre un « espace » (rue aux Laines, passage vers le parc d’Egmont) dont les murs sont ornés de certains de ses textes. Elle a laissé une ½uvre considérable et remarquable dont : «Les mémoires d’Hadrien» et «L’oeuvre au noir». Elle fut la première femme à être admise à l’Académie française. Fait peut être mineur mais significatif, les commentaires allèrent bon train au sujet des vêtements que la nouvelle académicienne porterait lors de sa séance de réception. Et, en effet, elle n’avait pas revêtu le célèbre habit vert brodé des académiciens. C’est cependant ce que fit la deuxième académicienne, l’helléniste Jacqueline de Romilly et la troisième, Hélène Carrère d’Encausse qui elle, porta aussi l’épée d’apparat . Quand cessera-t-on de parler à propos des femmes de ces points de détail comme nous l’avons fait ici nous-mêmes ?

En 1803, le 7 avril, naquit à Paris, Flora TRISTAN qui mourut à Bordeaux le 14 novembre 1844. Enfant naturelle d’un noble Péruvien , elle fut une autodidacte. Mariée avec un homme brutal, elle se lança dans la vie de militante sociale et politique et rédigea de nombreux écrits relatant ses observations de la vie sociale et ses voyages notamment en Angleterre. Elle se rendit même au Pérou pour retrouver sa famille paternelle qui la reçut fort mal. A son retour, elle reprit sa vie d’agitatrice sociale et c’est à Bordeaux qu’elle mourut au cours d’une tournée. Un de ses ouvrages a un titre significatif : «les pérégrinations d’une paria». Désormais ne dites plus qu’elle était la grand-mère de Paul Gauguin, mais plutôt que ce peintre était le petit-fils de Flora Tristan.

ÉDITORIAL : RÉFLEXIONS FÉMINISTES APRÈS UN DISCOURS ROYAL.

A l’occasion de la fête nationale et du dixième anniversaire du règne, le roi Albert II a prononcé un discours au sujet duquel je désire faire quelques réflexions féministes.

Ce discours de circonstance ne pouvait être un catalogue exhaustif des situations pénibles qui affectent tant de groupes de notre population.

Le Roi, évoquant le passé, a rendu hommage à son prédécesseur, son frère, sans rappeler l’injustice faite à leur soeur aînée, écartée du trône en raison de son sexe par une disposition constitutionnelle modifiée sous le règne du roi Baudouin, ce qui permet désormais à la fille et à la petite fille du souverain d’accéder au trône à leur rang.

Le Roi a appelé les habitants du pays à se préoccuper du sort des populations vivant au sud de la planète et a attiré l’attention sur la «condition souvent inéquitable» des femmes de ces régions.

Dans cet ordre d’idées, il faut souligner que la première étape est de faire cesser les discriminations de sexe/genre faites aux femmes étrangères résidant ici, en raison du statut personnel qui leur est fait dans leur pays d’origine et qui leur est appliqué ici.

C’est d’ailleurs la population féminine toute entière du pays qui est le groupe le plus affecté par une discrimination. Il faut y mettre fin ici et ailleurs, par priorité parce que la discrimination de sexe/genre est globale et résulte de lois ou de mesures officielles ouvertement discriminatoires ou de préjugés ou encore de discriminations indirectes.

La première défense des femmes est leur émancipation économique en priorité par l’augmentation du nombre de femmes ayant des ressources individuelles, notamment par l’activité professionnelle et la solidarité générale.

Nous rappelons la résolution que le Groupement belge de la Porte Ouverte a adopté lors de son assemblée générale du 25 février 1999, dans laquelle il était demandé aux autorités compétentesd’établir immédiatement un inventaire complet de toutes les discriminations fondées sur le sexe qui affectent les femmes, dans le but de les faire cesser.

A.H.

UN JALON DANS LE FÉMINISME

Il est dû au courage et à la persévérance de quelques unes. Oui, l’action des hôtesses de l’air de la SABENA restera dans l’histoire comme la grève des ouvrières de la F.N. de Herstal.

C’est la raison pour laquelle nous revenons sur la séance du 28 juin 2003. Révélons, si nécessaire, le nom de l’héroïne du jour  : Madame Marie-Thérèse Cuveliez, avocate, que nous n’avions pas mentionné par discrétion afin que cet hommage demeurât une surprise pour l’intéressée.

Dans le numéro précédent, nous avons mentionné les discriminations de sexe/genre dont étaient victimes les hôtesses de la SABENA.

La présidente de la BCFH (Belgian Corporation of Flying Hostesses) relata la longue lutte de ces femmes qui combattirent sous des formes multiples. Il y eut des manifestations à l’aéroport national, des articles de presse, des actions de sensibilisation du public, la perturbation de la fameuse et dégradante «commission esthétique», etc… Il y eut aussi la lutte sourde et patiente dans les organes de négociation, et les contacts avec l’employeur et les syndicats.

Ce fut possible grâce à l’analyse intelligente et compétente que Marie-Thérèse Cuveliez fit des textes juridiques et grâce à son étude des possibilités de recours. Il y eut l’action devant les juridictions qui allèrent de pair avec la persévérance de celles qui osèrent «se mouiller». Soulignons le désintéressement de celle qui conseilla le groupe et les sacrifices financiers qu’impliquent les frais de justice.

Rappelons le licenciement immédiat d’une hôtesse qui refusa de se soumettre au jugement de la «commission esthétique».

Finalement les arrêts de justice mirent fin à l’affaire théorique, mais elle garde évidemment des prolongements pour les intéressées. Madame Van Hemeldonck, ancienne députée européenne rappela à juste titre que l’audace de quelques unes a fait établir une jurisprudence qui vaut maintenant à l’échelle de l’Union européenne.

L’affaire des hôtesses de l’air de la SABENA demeure un exemple à suivre.

ICI ET AILLEURS

Nous ne dirons pas que le violence à l’égard des femmes, notamment dans le milieu familial, est un sujet à la mode parce qu’on en parle beaucoup; nous disons plutôt qu’on finit par en parler.

Telle avocate d’ici se déclare atterrée par les situations qu’elle découvre dans les dossiers qu’elle traite. Tel(le) assistant(e) social(e) qui travaille dans le milieu scolaire constate l’incidence de cette violence sur les résultats obtenus par les enfants.

L’une et l’autre constatent que cette violence est particulièrement répandue et durable lorsque la victime se trouve dans une situation de dépendance économique à l’égard de l’auteur des violences.

Et la situation est la même à des milliers de kilomètres d’ici ainsi que le mentionne sans ambages le très officiel rapport du gouvernement du Bhoutan aux Nations Unies (réf  : CEDAW/C/BTN/1-3). Dans ce pays himalayen (capitale Thimbu; 1,5 fois la Belgique; 1,5 million d’habitants) l’emploi des femmes est réduit, la violence à leur égard est répandue, bien que les plaintes soient rares en raison du manque d’intérêt de la police et la crainte de représailles.

«En règle générale, il semble que les femmes qui ont une activité professionnelle et sont indépendantes financièrement demandent le divorce, tandis que les mères au foyer dépendant économiquement de leur mari préfèrent continuer à subir de mauvais traitements.» (p.70).

On a récemment entendu dans notre pays une chanteuse malgache qui, elle aussi, dénonce la condition de dépendance des jeunes peu instruites qui vivent isolées dans les régions rurales du pays sans pouvoir se libérer de la polygamie, de la dépendance économique et de la violence qui en résulte.

REPARLONS DE LA DISCRIMINATION DE SEXE/GENRE

C’est un sujet essentiel parmi les préoccupations du mouvement féministe. Un vent favorable a fait connaître à certain(e)s, notamment au Lobby Européen des Femmes, le texte d’un projet de directive européenne sur cette discrimination en dehors des questions relatives à l’emploi et à la profession. C’est un document confidentiel, dont nous n’avons pu obtenir le texte. L’analyse du LEF montre que ce texte a le mérite de citer des situations que d’aucuns appelleront «mini-discriminations» qui surgissent dans la vie courante et qui affectent les femmes (prix variables de certains services selon qu’ils sont achetés par des hommes ou des femmes). La révolte des femmes contre ces «menus faits» n’est pas plus ridicule que le «petty apartheid» dont se plaignaient certaines populations en Afrique du Sud, et qui, pourtant, a soulevé l’indignation internationale.

RÉFLEXIONS À PROPOS DE L’ACTUALITÉ

 – On sait que l’année 2003 a été proclamée «Année européenne des handicapés». A cette occasion, le NVR (Nederlandstalige Vrouwenraad) consacre le numéro du deuxième trimestre de sa revue, à la question des femmes handicapées.

Il y propose de l’information, des réflexions et aussi de précieux témoignages de femmes (dont celui d’une mandataire politique) qui, handicapées, ont atteint une intégration remarquable. Ces témoignages sont aussi des exemples.

Il est, en effet, d’une importance capitale, que les perspectives présentées aux fillettes et aux femmes handicapées ne se limitent pas au cercle familial mais qu’elles englobent aussi l’horizon professionnel et l’ambition sociale.

 – C’est, à notre connaissance, la première fois qu’une femme devient la présidente d’un Conseil provincial de l’ordre des médecins  : docteure Béatrice Collet, à Namur, alors que cette institution fonctionnne en Belgique depuis 1948, que la première Belge à devenir médecin, Isala Vandiest, a obtenu son diplôme (à l’étranger ) en 1877. Il est long le cheminement des femmes vers les honneurs professionnels.

Nous relevons aussi, dans l’interview, que la docteure B. Collet (Le Généraliste, juin 2003; n° 648) mentionne qu’elle a, dès le début, orienté sa carrière en tenant compte de ses impératifs familiaux.

 – Il convient de garder la tête froide devant les opinions et appréciations exprimées par certains, qu’ils soient professionnels (journaliste, par exemple) ou non.

Pendant la campagne électorale, on a parlé de la «féminisation» et du rajeunissement du futur parlement et du futur gouvernement. Et un organe de presse déclarait vouloir des ministres «jeunes et jolies» (au féminin).

Nous éviterons de lui faire de la publicité, et nous ne citerons pas l’auteur.

Nous pensons qu’il n’y a pas eu de journal pour réclamer des ministres «jeunes et jolis» (au masculin), ce qui aurait pu se rapporter aux personnes des deux sexes. Heureusement, quelques jours plus tard, «Het Laaste Nieuws» (10 juillet 2003) réparait cette appréciation en consacrant un article élogieux à diverses candidates et en l’intitulant: «bekwaamheid is belangrijker dan sekse» (la compétence est plus importante que le sexe).

Notons pourtant que cet article est surmonté de deux grandes photos de politiciens masculins!