La femme dans l’Islam. Une déesse opprimée

par Marie-Christine Exsteyl

Contexte

L’actualité du mois de juin dernier a accéléré, ou peut-être débloqué une porte, quant à l’impasse qui planait sur la réalisation d’un grand débat et d’une prise de position claire des instances dirigeantes de notre pays en matière de port, dans l’exercice de la fonction publique, de signes OSTENTATOIRES ou tout au moins qui pourrait être perçus par d’aucuns comme une marque de prosélytisme ou de rattachement à une religion, une philosophie ou à une coutume tribale.

En effet l’élection et la prestation de serment d’une jeune femme voilée auprès du Parlement Bruxellois, le 24 juin dernier, ont relancé la polémique et l’intérêt des médias; comme elle est la première députée voilée d’Europe continentale même une équipe d’Al Jézira était dans l’hémicycle pour filmer sa prestation de serment.

Le député Denis Ducarme a annoncé qu’il déposait une proposition de loi cosignée par des parlementaires d’autres parti afin d’interdire le port d’insigne religieux ou culturel ostentatoire.

Afin que nous puissions rendre un avis réaliste et motivé, il est nécessaire de brosser en premier lieu la description du contexte, des interactions agissant dans son champ, les rétroactes de la cause de la problématique afin de SAVOIR, d’obtenir une vision globale de la problématique évitant ainsi au maximum des arguments d’ordre EMOTIONNELS ou que d’aucuns nous reprocheraient d’être «orientés».

L’approche historique aussi bien que l’analyse de la situation se rapportant à la problématique dans d’autres pays nous permettront d’élargir notre réflexion grâce au mécanisme des comparaisons ou des similitudes.

Historiquement les écrits de l’Islam (Coran, Hadiths, SIRA, Tafsir, Chroniques) ont une histoire et des ans d’histoire!

Les travaux scientifiques d’études sur ces textes (15. 000 textes sur le site: http//islam-documents. org) montrent que ces textes (d’ailleurs même remarque pour les textes sacrés et historiques créant la religion catholique) ont été établis peu à peu au fil des années, des interprétations et bien après le décès des icônes sacrées que sont devenus Muhammad ou Jésus.

Les historiens parmi les plus objectifs prouvent que les textes du Coran, entre autres, ont été rassemblés tout au long d’une période allant de 30 ans à 70 ans après 632 de notre ère et sont d’extractions diverses:

  • Traditions juives issues du Pentateuque,
  • Vestiges de mythologie et de poésie arabe,
  • Codes de lois, interprétations chrétiennes eschatologiques y compris de la liturgie syriaque,
  • Histoire connue sur «la vie» de Mahomet dit «le prophète» et référence centrale de la Sunna est principalement une construction postérieure et de la période abbasside.

Par exemple, une analyse menée par Fethi Benslama dans «La psychanalyse à l’épreuve de l’Islam» parue aux Editions Aubier en 2002 essaie d’expliquer l’ampleur des passions qui se déchaînent autour du voile, celui-ci étant pensé par l’Islam comme la solution à un problème anthropologique fondamental: le désir humain et la définition de la responsabilité.

Un détour par l’histoire originelle telle qu’elle est racontée dans les sourates, nous permettra de mieux mesurer l’emprise de l’histoire.

Histoire du 7ième siècle racontée par TABARÎ dans «Muhammad, sceau des prophètes» Edition Sinbad:

  • Un jour, en entrant sans permission et sans avertissement dans la maison de son fils adoptif Zayd, le prophète surprend l’épouse de ce dernier en tenue légère.
  • Il est troublé et captivé par la vue de cette femme dont on dit qu’elle fut très belle.
  • Devançant le désir du prophète et le dessein de dieu, Zayd divorce de sa femme, laquelle interpelle aussitôt le prophète, vivant dans la crainte et le tourment du désir: et maintenant?
  • Alors, non seulement Dieu autorise leur mariage mais il le fait célébrer par les anges.
  • Il n’en fallait pas moins pour oser affronter le trouble et obtenir la légitimation.

Dans le mouvement même par lequel la sourate («Les factions» XXX, 3) lui fait don de la femme de l’autre, elle lui interdit d’en prendre d’autres:

  • «Il n’est point licite à toi de prendre encore d’autres femmes fusses-tu ravi par leur beauté» (V, 5)

Simultanément, l’adoption comme pratique antéislamique est interdite; Zayd n’était pas le fils de Muhammad «Muhammad n’est le père de nul de vos mâles» (V, 42).

Ayant écarté le grief incestueux contre le prophète, la règle s’attaque alors à la racine du risque et généralise le voile.

  • «Ô prophète, dis à tes épouses, à tes filles et aux femmes des CROYANTS de serrer sur elles leurs voiles. Cela sera le plus simple moyen qu’elles soient reconnues et qu’elles ne soient point offensées»(V, 59)

L’auteur commente comme ceci cette partie de sourate

  • «Dans la mesure où les femmes ravissent les hommes jusqu’à les mener à risquer la transgression de l’inceste, l’interdit lié au voile trouve sa raison dans la menace que fait courir l’extrémité du désir humain sur l’ordre social.»

Dans cette vision, le voile n’est pas «un signe religieux ostentatoire», c’est au contraire, dit l’auteur, la dissimulation du CORPS de la femme en tant que celui-ci est en lui-même une source de fascination, un signe (anti)religieux ostentatoire.

Lorsque les musulmans revendiquent le fait de respecter la femme parce qu’ils la voilent, il faut comprendre qu’ils voient dans la dissimulation de son corps, la reconnaissance même d’un pouvoir quasi divin de la femme en tant que corps.

Cela est corroboré dit l’auteur par une autre histoire fondamentale de l’Islam

  • La première fois où Muhammad reçoit «le message divin», ne sachant pas si l’être surnaturel qu’il voit est un ange ou un démon, il se confie à sa première femme Khadija.
  • Celle-ci soumet alors l’être surnaturel à un test: elle se dévoile et demande à Mahomet «est-ce que tu le vois toujours?»
  • Il répond par la négative; alors Khadija lui dit «réjouis-toi, ce n’est pas un démon mais un ange» (voir l’étude de Fethi Benslama).

D’après ce récit dit-elle, on voit que la femme dans l’Islam est considérée comme douée d’un pouvoir sacré: à la vue de sa tête dénudée, les anges s’enfuient.

C’est par cette démonstration par l’absurde que Khadija rassure Muhammad du caractère divin de l’apparition qui lui révèle le Coran. Ces deux scènes sont absolument capitales pour comprendre le statut de la femme en Islam.

Elle n’est pas l’égale de l’homme, elle lui est métaphysiquement supérieure puisqu’elle peut agir sur un être surnaturel et c’est pour cette raison même qu’il faut DOMESTIQUER son pouvoir et la dissimuler sous un voile.

C’est cette structure mythique fondamentale qui se heurte de front à notre modernité explique l’auteure. Le rôle du regard dans la genèse du désir se retrouve aussi dans la civilisation occidentale.

Dans les Evangiles par exemple se pose le même problème de la fascination et de l’origine du désir à travers le regard: Evangile selon Matthieu 5. 27-29.

Mais alors que les Evangiles mettent en avant la responsabilité de celui qui regarde (pour lui adjoindre d’arracher son œil si celui-ci le pousse à la convoitise), l’Islam opte pour la responsabilité de celle qui se montre à l’œil concupiscent.

Les deux religions résolvent le problème d’une manière extrême car pour elles le danger est extrême; l’exacerbation des désirs engendre toujours la rivalité, la guerre, la mort et la destruction. L’Islam par la dissimulation du corps de la femme voudrait résoudre radicalement ce problème du désir en empêchant son apparition explique l’auteure.

Par le voilement du corps ostentatoire de la femme, on élimine complètement la responsabilité individuelle, à la fois du côté de la femme et de celui de l’homme. Grâce à ce simplisme, il n’y a plus de culpabilité et la femme n’est pas considérée comme douée d’un désir INDEPENDANT.

La conception occidentale est basée sur l’exact opposé de cette vision mécaniste, c’est l’individu qui est considéré responsable de ses pulsions et désirs, non pas l’OBJET. Posé en ces termes, la rencontre entre l’Occident et l’Islam est un choc symbolique d’une violence inouïe; tout ce que nos cultures ont construit sur la base du refoulement et de la sublimation est inutile pour l’Islam.

Ayaan Hirsi Ali raconte dans son autobiographie qu’en lisant à l’école des livres de la Bibliothèque Rose, elle savait que c’était résister à l’Islam; elle s’autorisait la première chose qu’une bonne musulmane doit s’interdire: ressentir du désir en dehors du mariage (in: «Ma vie rebelle», Nil Editions, Paris 2006).

L’auteure constate encore que paradoxalement pour relever concrètement les femmes musulmanes, il faudrait les rabaisser dans l’esprit des hommes; ce sont eux qui devraient être rassurés quant à leur pouvoir de résister aux charmes indéniables du beau sexe; si la PEUR des hommes musulmans devant l’attrait des femmes diminuait, celles-ci pourraient gagner en liberté concrète ce qu’elles perdraient par ailleurs en statut mythique.

Nous aborderons dans un prochain article des exemples d’intolérances et d’assujettissement divers imposés aux femmes musulmanes (ou culturellement intégrés par elles) qui découlent, en partie et en partie seulement de l’histoire du 6ième au 8ième siècle et de ses diverses interprétations par «les religieux» au cours des siècles et des événements politiques de notre époque.

Marie-Christine Exsteyl

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