Flammarion, 2010, 305p., par Denise Deliège
Conversations entre deux esprits libres à propos des droits des femmes, de la liberté d’expression, des religions, des intégrismes… Les deux auteures ont rejeté très jeunes les enseignements doctrinaires et combattent avec talent les intégrismes des diverses religions. Toutes deux prônent une liberté d’expression sans limite et estiment — en le regrettant — que la gauche soutienne les fanatiques islamiques. Elles soulignent que nombre de religions prônent la violence (rappelant Mahomet contre les juifs, le djihad conquérant…). Elles constatent le projet expansionniste des Frères musulmans et le double langage de son zélateur Tariq Ramadan. Toutes deux se révoltent contre les inégalités et les injustices que subissent les femmes et notent que bien des religions oppressent les femmes, notamment le Coran qui spécifie que les femmes sont inférieures, qu’elles doivent obéir à leur mari sous peine d’enfer, que les maris peuvent les fouetter, que les hommes peuvent avoir des relations sexuelles avec leurs femmes captives, même si elles sont mariées. La première femme de Mahomet avait pourtant davantage de droits (elle avait hérité et dirigeait son commerce).
Taslima Nasreen, poète et médecin bengali, a écrit avec grand succès sur les droits des femmes dans son pays, y suscitant un large débat, y compris au sein des couples. Puis elle a été expulsée (sur base d’une loi contre le blasphème), après menaces de mort des intégristes musulmans, irrités de ses prises de position sur les causes de la misogynie (l’islam) et sur certains traits de Mahomet (il a accaparé les biens de juifs, il a épousé Aïcha à 9 ans — ou 19 selon certains historiens —, tout en ayant quelque 30 ans à 40 ans de plus qu’elle). Exilée en Inde (pourtant une démocratie laïque) elle en a aussi été expulsée, pour atteinte aux sentiments religieux de la minorité musulmane. Exilée en Occident, il lui est difficile d’y gagner sa vie et elle se voit privée de tout: sa langue, sa famille, ses amis et son travail d’aide aux femmes de son peuple.
Elle soutient que le patriarcat se sert des religions pour asseoir sa domination. Elle prend la défense de maintes minorités religieuses opprimées. Elle critique nombre de religions, les taxant même de nocives, car souvent ferment de discorde et d’oppression. Elle provoque ainsi des protestations de tous bords. Mais seuls les islamistes la persécutent, alors que la plupart n’ont jamais lu ses écrits. Elle regrette que ces islamistes combattent la démocratie, les droits de l’homme et l’égalité hommes-femmes, tout en bénéficiant d’une liberté d’expression dont sont privés les laïques. Elle soupçonne que des politiques promettront d’appliquer la charia pour obtenir les suffrages de ceuxqui la souhaitent. Elle critique les tortures imposées aux femmes sous l’étiquette de «traditions». On l’accuse d’avoir importé le féminisme occidental, alors qu’à l’origine, elle publiait sans avoir lu le moindre livre féministe.
Caroline Fourest, citant le mufti de Marseille, note que c’est pour devenir plus autonomes que les femmes ont dû se couvrir, alors qu’aujourd’hui, le voile les rend moins autonomes; elle souhaite que l’on en revienne à l’esprit de la règle. Elle signale aussi que Mahomet a voulu soumettre la sanction pour adultère à la présence de quatre témoins oculaires (ce qui l’aurait rendu impossible). Elle a analysé l’intégrisme islamique comme elle l’avait fait auparavant pour l’intégrisme chrétien, mais a immédiatement été taxée d’islamophobie et de racisme. Elle estime que la résistance «homéopathique» est insuffisante pour faire reculer l’intégrisme, mais que des réformes ont été possibles dans les trois religions monothéistes. Elle regrette que des courageux ayant critiqué l’intégrisme perdent leur protection policière (M. Sifaoui en France, Ayaan Hirsi Ali aux Pays-Bas) et prône la création d’un fonds européen pour financer la protection des personnes menacées de morts pour leur liberté d’expression. A défaut, bien des dissidents sont forcés de critiquer uniquement l’islam et de rejoindre l’extrême droite pour obtenir un emploi. Caroline Fourest recommande la bonne façon de résister à l’intégrisme: non pas identitaire, mais universaliste (avoir des droits et devoirs en commun).