La thématique du port du voile ne serait-elle pas un «cheval de Troie» plutôt qu’un «catalyseur émotionnel» comme le suggère d’aucun? En effet le débat sur la symbolique du voile est complexe, et se prête à manipulation et à de pernicieuses instrumentalisations.
Ainsi en ce qui concerne l’enseignement, le port de signes convictionnels (donc sous-entendu du voile) devrait selon le rapport des Assises être autorisé pour les trois années de l’enseignement secondaire supérieur, plus précisément à partir de 16 ans.
Nous considérons que cette limite est totalement absurde pour plusieurs raisons.
D’une part la soi-disant maturité des adolescents de 16 ans contraste avec les très nombreux exemples de comportements marginaux et irrationnels des adolescent/e/s: au contraire, il serait plus exact d’associer à cet âge non pas un accès à la maturité mais plutôt celui de la fragilité, de la recherche de soi, des tergiversations, des crises juvéniles, des besoins de «modèles», d’«idole»?et de comportements émotionnels.
On est en outre dans un cas de figure où les pressions familiales, religieuses, culturelles, de communauté au sens large pèsent lourdement sur les jeunes; pis encore, pour les filles, la peur d’insultes ou de représailles violentes de la part des mâles de la famille empêchent tout véritable choix. On sait d’ailleurs, que dans les rares établissements scolaires autorisant encore le port du voile, celui-ci induit des pressions (grossièretés sexistes et règlements de compte entre élèves au sein des établissements) à l’encontre des jeunes filles qui ne le portent pas… jusqu’à ce qu’elles cèdent et se soumettent au diktat machiste.Sans compter l’encouragement à plus de revendications que cela offrirait aux parents les plus radicaux qui pèsent déjà sur la sérénité de l’enseignement (cf enquête RTBF « Questions à la Une » du 21 janvier 2010).
Cette concession serait également dangereuse si elle portait sur les enseignantes: on pourrait craindre que des pressions s’installent en faveur d’une l’exigence du port du voile. Déjà à présent, de nombreuses enseignantes se plaignent d’injures et remarques désobligeantes à propos de leurs habitudes vestimentaires…
Pour protéger les écoles et leur préserver un véritable rôle émancipateur, il est clair que toute immixtion d’un religieux qui sépare les élèves et des traditions sexistes doit être proscrite.
La crainte exprimée d’un éventuel «repli communautaire» en cas d’absence d’accommodements est prétexte ou aveuglement. En effet, d’une part le «repli» existe déjà au sein des quartiers «ghettos» …et d’autre part, chaque concession faite aux revendications communautaristes ne fait qu’encourager les revendications suivantes!
En ce qui concerne le port du voile dans la Fonction publique, la recommandation issue des Assises propose une «autorisation généralisée du port de signes convictionnels pour tous les agents à l’exception d’une exigence de neutralité exclusive d’apparence aux seules fonctions qui disposent d’un pouvoir de coercition à l’égard des citoyens ou dont les décisions peuvent affecter de façon majeure leur existence».
D’une part cette proposition fait fi des diverses significations symboliques du port du voile, en la limitant à une soi-disant pratique religieuse…alors qu’il ne s’agit que d’un diktat politique très récent promulgué par le régime des Mollah en Iran, pour en revenir au patriarcat que l’occidentalisation avait fait reculer! Quant à considérer le port du voile comme une simple question vestimentaire… restons sérieux, tout de même!
Ensuite, vouloir limiter l’interdiction du port du voile aux fonctions d’autorité ou régaliennes représente un piège; le ou la fonctionnaire qui reçoit du public a, si pas une fonction d’autorité reconnue et rémunérée officiellement, au minimum une «aura» d’autorité dans la mesure où le, la représentante du service à apporter est en position de supériorité face à un(e) débiteur (trice) qui attend et sollicite un renseignement, une information, un document? L’aspect extérieur ainsi que le message que celui-ci pourrait traduire de manière sous-jacente pourrait jeter confusion et doute dans l’esprit de l’usager qui pourrait se sentir discriminé ou moins bien informé parce que lui(elle)-même porte des signes ou profèrent des remarques notoirement en opposition avec les convictions visibles et SUPPOSÉES du (de la) préposé(e). Après tout, les fonctionnaires ne reçoivent pas les administrés en maillot de bain, non plus. Ni décorés de croix gammées…
Enfin, comment cerner dans la réalité qui a véritablement une fonction d’autorité ou d’influence? Est-ce qu’une puéricultrice dans une crèche communale ou subsidiée par les deniers publics n’a pas une influence marquante sur un tout jeune enfant malléable? Est- ce qu’une femme médecin voilée dans un hôpital public, n’a pas une fonction d’autorité et d’influence sur sa patiente? D’autres exemples pourraient démontrer que l’autorité n’est pas seulement liée aux fonctions dites «régaliennes».
Quant à la problématique d’introduction de quotas culturels: autant dire de la science-fiction: réduire la question des relations sociales à une arithmétique de quotas conduirait à quantité d’effets pervers et à une rapide paralysie du système…au détriment du seul véritable bon critère d’engagement, qui est la compétence.
Ce pas ouvrirait aussi la voie à de nombreuses autres demandes d’«accommodements culturels». Les exemples qui ont proliféré en Angleterre et la marche arrière entamée par le Canada doivent nous ouvrir les yeux sur les dangers de ces propositions.
En savoir plus sur les résultats de la politique communautariste en Angleterre: l’intégrale ou un extrait de 11minutes.