Résumé de la communication faite par Eliane Gubin, Professeure d’histoire à l’ULB, au Sénat de Belgique, le 13 décembre 2004
La situation du travail des femmes était particulière en Belgique au sortir de la Grande Guerre. Elle était totalement différente de ce que l’on observait dans les autres pays belligérants. En effet, l’économie de ces pays avait été fouettée par l’effort de guerre, et l’appel à la main d’½uvre féminine en remplacement de la main d’oeuvre masculine, y avait été constant. La Belgique au contraire a passé les quatre années de guerre sous un régime d’occupation qui avait démantelé complètement ses industries et avait plongé la population dans le chômage.
La remise en route de l’économie après la guerre s’est accompagnée d’emblée de mesures favorables à la réinsertion des travailleurs masculins, au détriment des travailleuses. Dès 1920, une politique de reflux des femmes mariées au foyer a été appliquée, des mesures persuasives se sont multipliées, suivies par des mesures de dissuasion. Cette politique de retour au foyer fut soutenue très vivement par les syndicats chrétiens et les associations féminines chrétiennes.
Les tensions entre les féministes qui exigeaient le droit au travail des femmes et les milieux qui réclamaient pour elles une «protection particulière» s’intensifièrent sous l’action de la politique menée par le Bureau International du Travail à Genève. Celui-ci opta pour une protection différenciée selon le sexe. Cette situation suscita la création de l’Open Door International (1929) et de sa branche belge (Louise de Craene).
L’exposé a ensuite rappelé les activités du Groupement belge de la Porte Ouverte, ses liens avec d’autres associations féministes. Dans les années trente, le climat de la crise économique était généralement défavorable au travail des femmes. La montée des régimes autoritaires qui postulaient le retrait des femmes du marché du travail (les trois K, Kinder, Küche, Kirch – enfants, cuisine, église), les mesures qui frappaient le travail féminin dans les pays étrangers (y compris dans les pays démocratiques) suscitaient des inquiétudes de plus en plus vives chez les féministes belges. Dès le début des années trente, une série d’arrêtés royaux de crise limitèrent le travail féminin. Deux revues étaient alors à la pointe du combat pour défendre les femmes: «Egalité» et «la Travailleuse traquée».
La proposition du sénateur Rutten, déposée au Sénat en février 1934, visant à contingenter le travail des femmes mariées et à procurer ainsi du travail à des chômeurs masculins, suscita un tollé. Elle fut bloquée au Sénat.
Mais le 8 décembre 1934, le gouvernement Theunis prit un arrêté dans le même sens. Ceci déclencha une mobilisation intense: à l’appel du Groupement belge de la Porte Ouverte, syndicats libéraux, socialistes, et organisations de femmes manifestèrent massivement à Bruxelles. Sous cette pression, le gouvernement retira l’arrêté et, après une entrevue avec des représentantes des organisations féministes, créa un conseil consultatif, le Conseil Supérieur du travail féminin, chargé d’examiner la question. Malheureusement la Seconde Guerre mondiale interrompit cette première concertation.