Serions-nous dans l’ère du postféminisme? Les détracteurs du féminisme ne manquent pas; il y en a d’au moins deux espèces: les uns sont des adversaires déclarés du féminisme tandis que les autres se déclarent féministes et essaient de nous persuader que, les femmes ayant désormais atteint l’égalité avec les hommes, le mouvement féministe n’a plus aucune raison d’être.
Soulignons d’abord que d’autres mouvements d’opinion et/ou de revendications qui, eux, ont atteint leurs buts avoués, qui bénéficient d’une large publicité et exercent une hégémonie dans la société ne renoncent pas à leur action. A supposer que le féminisme ait triomphé, pourquoi les féministes le feraient-ils (elles)?
En outre, il importe de souligner que les femmes sont bien loin, dans un groupe social quelconque, d’avoir atteint l’égalité de chances et de droits avec les hommes. Si l’on peut se réjouir de voir davantage de femmes accéder à des responsabilités élevées, il faut reconnaître que le fait même de souligner avec satisfaction leur ascension est dans un certain sens une preuve supplémentaire de l’inégalité qui persiste entre les personnes des deux sexes, inégalité qui est le lot de la grande majorité des femmes.
Des statistiques globales sont relativement accessibles dans certains groupes sociaux.
On nous parle, par exemple, d’un accroissement de la proportion des femmes actives dans la vie politique ou l’administration.
Mais les chiffres sont à la fois plus rares, moins accessibles et moins brillants dans les autres allées du pouvoir.
L’emploi et, en général, l’activité professionnelle qui fait beaucoup pour le statut d’une personne dans la société, est plus faible chez les femmes que chez les hommes tout particulièrement dans notre pays, tandis que, comme le souligne le Lobby européen des femmes, ce sont elles qui accomplissent 80% des travaux ménagers? et que ce sont particulièrement les femmes qui, dans les pays en développement assurent les cultures vivrières gratuites.
On se plaît à souligner que les femmes migrantes ont des salaires moindres que les femmes belges mais on se tait sur le fait que les hommes migrants ont de meilleurs emplois et de meilleurs revenus que les femmes migrantes.
Un magazine (Trends Tendance du 1er février 2001) a récemment consacré un article bien documenté sur la situation des femmes dans les cadres des entreprises du pays (illustré en couverture par une photo supposée être celle d’une « manager » mais qui est digne d’une pin-up !). Il en résulte qu’une entreprise sur douze est dirigée par une femme.
Quant au « Soir magazine », il a fait le compte des 100 personnalités les plus en vue du pays quant au pouvoir, à l’argent et à la notoriété; parmi elles, on ne compte que huit femmes.
En ce qui concerne le pouvoir dans les finances, on ne compte qu’une femme vice-gouverneure de la Banque nationale de Belgique; mais il est question de désigner deux femmes du secteur bancaire parmi les régents de cette institution.
Non, nous ne sommes pas à l’ère du post-féminisme !